Le ministre Blanquer,
obsédé par ses lubies,
nous sert encore ses "dérives communautaristes"
à la sauce confinement
pour mieux bâillonner
l'esprit critique et la liberté d'expression
en milieu scolaire.
Le 4 mai dernier, le ministère de l’Éducation nationale a publié une circulaire dont l’objectif est de donner des indications aux personnels enseignants pour le retour en classe dès le 11 mai. Il y est fait mention des aspects sanitaires de la reprise mais aussi pédagogiques, avec des liens vers le site Eduscol.
Cette reprise, menée à marche forcée par le gouvernement, a été contestée par le milieu scientifique, par la totalité des organisations syndicales. Elle semble prématurée pour 76 % des français. Elle se fait au mépris de l’expérience traumatisante qu’a vécue la population, notamment les plus jeunes. On ne compte plus les interpellations de personnels qui sont sur le terrain, et qui expriment leurs inquiétudes et leur incompréhension quant à des décisions qu’on ne prend même pas la peine d’expliquer. Les conditions de la « reprise », avec les protocoles sanitaires à mettre en place et impossibles à tenir avec les jeunes enfants qui devraient être accueillis, sont loin d’être rassurantes. Le Président, en parlant de « volontariat » des parents, fait reposer sur leurs épaules un choix qui n’en est pas vraiment un, car ils vont bientôt se retrouver face à un retour imposé de leurs enfants à l’école pour reprendre le travail, même si l’école n’est pas en mesure d’assurer la sécurité sanitaire des enfants. Le déni des ressentis possibles des familles et aussi des personnels de l’Éducation nationale est violent, et le manque d’informations claires, notamment via les déclarations sans cesse contredites du ministre, ajoutent à l’anxiété ambiante. Le Ministre l’a dit lui-même : il en fait une « question d’honneur » : les inquiétudes légitimes des citoyen·nes n’ont pas leur place dans ce principe d’un autre temps.
Les indications/injonctions (on ne sait jamais trop) proposées pour la reprise des cours font semblant de prendre en compte la situation dans son ensemble. Si on conseille aux personnels éducatifs d’accueillir la parole des élèves, et de prendre le temps de parler avec elles·eux, on place également une suite d’objectifs de connaissances pour tous les niveaux, et il est même demandé d’évaluer dès le retour en classe ! Drôle de manière d’accueillir les élèves : la vision de l’École de notre ministre est bien celle d’un temps où la relation entre enseignant.es et élèves est secondaire, l’objectif premier étant que les élèves engrangent le plus possible de connaissance afin de « rattraper le retard ». C’est d’ailleurs le sens de cette fameuse « continuité pédagogique », comme si tout pouvait continuer sans la situation d’enseignement en classe et les relations humaines qui l’accompagnent.
Non, Monsieur le ministre, il n’est pas possible de « rattraper ce retard », pendant les quelques semaines qu’il nous reste avant les vacances d’été. Non, Monsieur le ministre, notre rôle n’est pas uniquement de gaver les élèves de connaissances sans prendre en compte les réalités extérieures.
Notre rôle, Monsieur le ministre, n’est pas non plus d’être les hérauts d’un gouvernement et d’un discours politique qui nous méprise et fait fi de nos inquiétudes et questionnements. C’est pourtant ce qui nous est demandé dans les fiches d’Eduscol, concernant les « risques de dérive communautariste et sectaires » du confinement. Le terme employé de dérive communautariste est comme à l’accoutumée pris dans un sens très large. Et on nous demande d’être attentif.ves, par exemple, aux « propos manifestement inacceptables » des élèves. Nous devrions être interpelé.es par les discours qui visent à « démontrer l’incapacité des Etats à protéger la population », et qui incluent « remise en question radicale de notre société et des valeurs républicaines, méfiance envers les discours scientifiques, fronde contre les mesures gouvernementales, etc. ». En gros, toute critique des actions gouvernementales par rapport à la pandémie.
Pourtant, la gestion calamiteuse et nocive de la crise sanitaire et sociale par le gouvernement est bel et bien dénoncée depuis le début. Ne rappeler que les discours mensongers sur les masques suffit à prouver qu’il est difficile de faire confiance aux décisions politiques de ces derniers mois. La négation des besoins premiers de la population, notamment celle de se soigner, par une politique offensive contre les services publics, incluant les hospitaliers, n’inspire rien d’autre que de la méfiance. Plus grand monde n’est dupe : les décisions prises ne sont pas faites dans l’intérêt de la population, mais à des fins économiques. Si on poursuit sur l’exemple de la gestion des masques, quand on voit que les masques chirurgicaux sont vendus parfois à des prix exorbitants dans les supermarchés mais qu’ils sont encore en nombre insuffisant dans les pharmacies, on comprend que la loi du marché est celle qui prévaut sur toutes les autres.
Comment reprocher à notre jeunesse de mettre en doute, de questionner, dans un tel climat ?
Nous nous rappelons les « questions insupportables » évoquées par Mme Vallaud-Belkacem après le massacre de Charlie Hebdo. Nous sommes toujours dans une conception autoritaire de la liberté d’expression et de ce que doit être l’esprit critique. Les textes d’Eduscol incitent d’ailleurs les personnels éducatifs à évoquer « l'autorité de l'Etat pour permettre la protection de chaque citoyen».
Enfin, comme toujours, ce sont les mêmes populations qui sont indirectement visées dans ce discours sur le communautarisme. Nous retrouvons ici une vision néo-coloniale abjecte, où les enseignant.es et autres personnels de l’Éducation nationale devraient toujours et encore imposer un discours sur les « Valeurs de la République » à des enfants, « notamment lorsque l’établissement est situé dans l’un des quartiers particulièrement sensibles identifiés dans le plan mis en place depuis février 2018 » qui se permettraient de contester ou de questionner. Nul besoin de préciser que dans ces quartiers « sensibles », une population majoritairement immigrée et populaire, qui subit de plein fouet la crise sanitaire et sociale que nous vivons, et qui en plus de cela devrait être bâillonnée !
Il faut toujours et encore refuser ce discours immonde et cesser de discriminer encore des populations déjà discriminées sur tous les plans.
Lisez et diffusez ce texte dénonçant la mise au pas des enseignants et le mot d'ordre de suspicion permanente à l'égard des classes populaires,