Lors du Comite Technique Ministériel du 27 mars 2014, Vincent Peillon a présenté un décret de 12 articles pour mettre fin aux décrets de 1950 qui régissaient les principales dispositions des statuts de professeurs de l’Éducation nationale. La CGT Educ'action s'est prononcé contre. Comme souvent, le syndicat majoritaire s'est abstenu laissant validant ainsi les imprécisions opportunes : si les enseignants obtiennent dans leur ensemble quelques avancées, ils ne sont toujours pas logés à la même antienne et surtout les marges de manœuvre pour modifier les conditions et le temps de travail restent importantes.
Commençons par le plus fâcheux : le temps de travail. Certes les quotas d'heures hebdomadaires devant élèves restent globalement identiques et sont précisés dans le décret. Certains collègues, comme les professeurs de musique, de SVT, de Sciences physiques et les documentalistes voient même certaines de leurs tâches intégrées à ces horaires – sans contrepartie d'embauches ! Néanmoins, les raisons de s'inquiéter sont légitimes : la référence « au cadre de la réglementation applicable à l’ensemble des fonctionnaires en matière de temps de travail » (article 2) ouvre la porte à l'annualisation du temps de travail. Ce temps de travail est en effet de 1607 heures annuelles pour les fonctionnaires d'Etat. Ainsi, si le temps de travail devant élèves est clairement défini par ce décret et celui de 2000 (18 heures pendant 36 semaines), il n'en va pas de même pour le temps de travail hors classe, qui constitue la majorité de ces 1607 heures annuelles. Ainsi, les temps de concertation, préparation, réunion, formation et remédiations en tout genre pourront se dérouler hors des 36 semaines et s'allonger au travers de nos semaines de « vacances ». En effet, nos tâches hors classes, bien que partiellement énoncées et donc officiellement reconnues – les décrets de 1950 ne les ignoraient cependant pas – sont illimitées : le décret indique que « les missions liées au service de l'enseignement » « comprennent » les tâches énoncées ensuite. Mais « comprendre » n'est pas « être ». Ainsi, le décret sous-entend que nos tâches peuvent aller au-delà de celles qui y sont stipulées. Les deux rassemblés : temps de travail hors classe indéfini + tâches illimitées = allongement et définition des périodes de travail arbitraires. La pré-rentrée le 29 août 2014 en est une illustration exemplaire.
Autre élément d'inquiétude : la suppression des heures de première chaire et autre heures apparentées transformées en coefficients par l'article 6 (-0,1h par heure de première ou terminale) - sauf pour les PLP, ce qui est lamentable. Ces calculs d'apothicaires, d'abord opérés à la loupe financières des tenanciers de l’Éducation nationale, amèneront automatiquement les collègues de lycée à faire davantage d'heures supplémentaires. En effet, quand un service pouvait auparavant tomber à 18, 17 ou 16h, il tombera aujourd'hui sur des nombres à virgule qui provoqueront du sous-service et donc l'obligation de prendre des heures supplémentaires : celui qui avait auparavant deux classes de terminales ES gagnait 1h de cours ; désormais il n'en gagnera que 0,9. Ce petit écart l'obligera à prendre une heure en plus et on sait que bien souvent il est difficile de trouver des heures solitaires.
Selon les mêmes principes, les obligations hebdomadaires en "éducation prioritaire" sont réduites à 16,4h. Beaucoup de discipline étant à 3 heures hebdomadaires dans tous les niveaux, il va être difficile de faire des emplois du temps sans heures supplémentaires. Mais la plus grave question pour les personnels de l'enseignement prioritaire est l'avenir des primes et bonifications. Le décret ne dit pas si ces réductions d'horaires s'accompagnent de la fin des primes... et le décret sur l'enseignement prioritaire n'est toujours pas paru !
De nombreuses heures attribuées par le décret de 1950, que notre académie ne distribuait plus depuis quelques années, sont laissées au libre arbitre... des CA, qui trouvent là une nouvelle mission pédagogique ! En effet, les CA seront chargés de définir les « missions particulières » des enseignants. La course à l'échalote fondue dans la bave d'escargot peut commencer ! Les chefs d'établissement seraient marris parce qu'ils auraient perdu ce droit ! En réalité, ils le conservent totalement grâce au fonctionnement des CA mis en place depuis 2008 et le décret permet aux parents de se mêler des nominations à l'intérieur de l'établissement – pas sûr que le Conseil d'état voie d'un bon œil l'intervention de tiers dans la définition des missions d'un agent de l'Etat.
Ces nominations par le CA nous font entrer dans le grand bazar de la subordination pédagogique des enseignants et de la concurrence aux indemnités. Les ECLAIR avaient montré la voie...
Nous noterons encore que les professeurs d'EPS, mais aussi les professeurs de SEGPA en sont pour leurs frais. Ces derniers notamment restent à 21h, alors qu'ils accomplissent leur travail dans les mêmes conditions que leurs collègues du collège.
En somme, les tâches paraissent au final plutôt alourdies, tout cela sans augmentation de salaires et alors qu'on attendait plutôt une réduction du temps de travail et des embauches en nombre !
Nous ne nierons pas les avancées en ce qui concerne les postes partagés et le volontariat obligatoire pour l'enseignement d'une autre discipline. Ces deux points devraient notamment faciliter la vie des TZR – qui devront encore attendre pour voir la pénibilité de leur travail reconnue.
Enfin, et ce n'est pas le moins important, nous ne pouvons que déplorer la mise à l'écart des professeurs contractuels qui ne bénéficieront toujours pas des conditions de travail du statut général.